Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

mercredi 11 avril 2012

"Étrange: ce dessinateur de BD avait horreur des boissons à bulles". Benoît Barvin in "Étrange, vous z'avez dit?"


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Pensées pour nous-mêmes:

(VOIS DANS LA MÉDISANCE 
LE REFLET DE TA PROPRE FAIBLESSE) 

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COURTS RECITS AU LONG COURS(8)
pcc Benoît Barvin

La petite

   Quand je la vis, petit tas crasseux recroquevillé dans l'ombre froide de ce porche, je crus me retrouver face à la fameuse "petite fille aux allumettes". Sauf que celle-ci ne vendait rien d'autre que son malheur; qu'elle restait là, immobile, visage tragique de poupée au bord du gouffre. J'aurais pu m'enfuir, comme je l'avais fait de nombreuses fois, mais je restai statufié devant elle, mon regard détaillant avec curiosité - et un rien d'effroi, aussi, oserais-je l'avouer -, ces affreux cernes autour des yeux, ces lèvres craquelées, ces dents disjointes... Les pommettes qui saillaient tiraient son visage vers le crâne de fosse commune; à ses tempes battaient de légers et infimes pianotages d'un coeur qu'on devinait harassé.
   Je fis enfin un geste dans sa direction. Je me penchai, effleurai sa chevelure d'or terni, crasseuse, pareil à un casque de guerrière. Elle leva la tête, nos yeux se rencontrèrent. Je lus dans ses pupilles une telle indicible bassesse, mêlée à une cruauté sans nom, que j'en eus le souffle coupé. Je tentai de me relever, de tourner les talons, de m'éloigner au plus vite, fut-ce en courant. Trop tard! 
   La petite se redressait et, avançant ses lèvres salées, elle les colla effrontément contre ma bouche. Aussitôt, derrière moi, une voix de femme hurla: "Mon Dieu! Regardez ce dépravé ce qu'il ose faire!". 
   D'un geste vif, je repoussai la petite qui glissa à terre en sanglotant. Une foule vociférante déjà m'entourait, terrible, prête à m'écharper.
   "J'ai tout vu, cracha une autre voix. C'est lui, le violeur de nos enfants! Il n'y a aucun doute". Et, alors que les poings - parfois armés de coutelas larges et tranchants - s'apprêtaient à me dépecer, je surpris l'air blasé de la petite qui, prestement, se faufilait dans la meute assoiffée de sang, à la recherche d'une autre victime...



L'Elfe

   En ouvrant le frigo, je l'aperçus, dissimulé derrière la motte de beurre. Il était minuscule, vêtu de vert, affublé d'un drôle de nez rouge et busqué, des yeux malins, le geste vif.  "T'es qui, toi?", demandai-je, sur la défensive. "Un elfe, cette question!" répliqua-t-il, mortifié. "Ben, excuse-moi, mais j'en avais jamais vu". "Je n'en ai jamais vu, corrigea-t-il en slalomant entre les légumes, un reste de tarte au poireau et du blanc de poulet, emmailloté dans du papier sulfuré.
   "Tu sers à quoi?". Ma question le fit sursauter. "Tu es bien un enfant d'aujourd'hui, qui ne connaît rien à rien. Je sers à raconter des histoires, et également à exaucer les voeux qui te sont chers", dit-il, d'une voix sèche.
   Familièrement il bondit dans ma direction, s'accrocha au revers de ma chemise, se glissa dans la poche où il parut se trouver bien, si j'en croyais ses soupirs d'extase. J'étais bien embêté. Il était six heures du matin, ma mère n'allait pas tarder à rentrer de la boîte de nuit où elle se trémoussait en tant que stripteaseuse. Si je lui parlais de l'Elfe, elle allait faire un de ces foins...
   Avant que le minuscule bonhomme ait compris ce qui lui arrivait, avec deux doigts je me saisis de lui et le jetai à l'intérieur du congélateur, dont je refermai la porte précipitamment. Il serait bien temps, plus tard, de l'en sortir et d'avoir une sérieuse discussion avec ce petit malotru.
   Bien sûr, j'oubliai jusqu'à sa présence et ce n'est qu'une semaine plus tard, par hasard, que je m'en rappelai. Dans le congélateur, je découvris un machin durci, verdâtre, qui avait l'apparence d'un écoeurant chou-fleur glacé.
   Le coeur au bord des lèvres, je me dépêchai de balancer l'ignoble chose dans la poubelle, en me moquant in petto de ma naïveté...


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   Jordi Buxade Tonijuan est un dessinateur espagnol né à Barcelone le 21 avril 1930.
   Ami personnel de Fred Harman, le créateur de Red Ryder, Jordi Bruxade est le créateur de séries comme Buck Tyler ou Jim Huracan. Il débute sa carrière en 1952 dans "El Botones". En 1954, il imagine le western humoristique Duffy dans la revue "Nicolás".
   On lui doit la parodie de western Jane dans "Florita" en 1955 (en France chez Sagédition) et Nero pour l'éditeur allemand BasteiIl crée le western Jim Huracan en 1959.
   Dans les années 1960, il crée les westerns Ringo Ley (1965) et Daniel Boom y Cow-boy Tim (1966). En 1967, il crée la série humoristique El Capitan Serafin y su grumete Diabolin dans la revue "DDT". Il obtiendra son plus gros succès avec Buck Tyler qui est d'abord publié dans "Comix Internacional" en 1981.
   En 1983, il imagine la série humoristique Hawitta (d'où sortent les dessins ci-dessous) dans "Tio Vivo" qui ne durera qu'un an à cause de la disparition de la revue. A partir de 1984, il travaille surtout dans la publicité. Il est mort en 24/12/1997. Son style se caractérise par une capacité à passer sans problème du dessin réaliste au dessin humoristique, comme de nombreux talentueux dessinateurs espagnols. Il possède un souci du détail dans l'humour qu'il traite avec autant de soin que ses séries plus célèbres.


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"Comment ça, si c'est la mienne?
Evidemment que oui! Je l'ai marquée, là!"


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"Qui a mouillé toutes les allumettes? Qu'il se dénonce!"

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"Pardonnez-moi, je vous avais pris pour mon mari"

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"Désolé, mamzelle, mais mon canasson et moi,
on est morts de soif"

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"Si tu veux devenir un bon guerrier,
cesse de penser aux femmes..."

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Blanche Baptiste

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