Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

mercredi 27 juin 2012

"Étrange: Cette baleine de parapluie était faite en os de phoque". Benoît Barvin in "Étrange vous z'avez dit"

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Pensées pour nous-mêmes:

(TA VIE EST UNE EAU BOURBEUSE
QUE TU FILTRERAS HEURE APRES HEURE)

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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(28)
pcc Benoît Barvin


Puzzle manquant

   Ma première rencontre avec Elle, dans ce parc de la Capitale, fut le fruit du hasard. Je promenais le chien de ma patronne (je faisais fonction de domestique à tout faire dans une famille de la Haute Bourgeoisie), elle avait son propre animal. Du moins une femelle, de sorte que les deux canidés, se reniflant, se sont plu aussitôt... à l'image de leur maître. 

   Je m'étais présenté: "Alain". Elle avait fait la moue puis avait glissé, d'une voix timide: "Margane". J'avais soulevé un sourcil intrigué. Elle avait eu un gloussement, ajoutant qu'il s'agissait d'une farce, que c'était Elaine,  en fait, prénom qu'elle n'aimait pas, le trouvant banal, aussi en changeait-elle souvent... Mais je n'étais pas sûr qu'il s'agissait de la vérité. Après tout, peu importe. Je l'aimais comme elle était et... 

   Oui, j'ai écrit "aimais", car ce sentiment puissant m'avait saisi, emporté, transporté dès qu'elle m'était apparue. Il s'agissait d'une blonde sylphide,  une  mince liane dont chaque geste trahissait une grâce indicible. Sa voix avait de douces inflexions caressantes et il avait suffi que nos mains se frôlent (sa chienne faisant mine d'échapper aux facéties de mon compagnon, j'avais dû tirer sur sa laisse, de sorte que nous nous étions soudain rapprochés), il avait suffi, dis-je, que nous nous effleurions pour que mon coeur batte à l'unisson du sien. Mais ce fut tout ce jour-là car, après un petit sourire mi-timide mi-charmeur, elle s'en fut, me laissant seul, abandonné, aussi seul et abandonné qu'une enfant sur une lande irlandaise... 

   Je dormis mal, cette nuit-là et me levai fatigué.

   Nous nous étions donné rendez-vous le lendemain. Cette fois, elle surgit après une attente interminable, au moment où, inexplicablement désespéré, je m'apprêtais à rebrousser chemin. Elaine ne s'excusa pas, mais je ne lui demandais rien d'autre que d'être là, près de moi; de me permettre de humer son parfum épicé qui m'évoquait les genévriers de mon enfance. Nous parlâmes de choses et d'autres, alors que nos compagnons canins s'amusaient à se renifler. Malgré l'enchantement que je ressentais pour la jeune femme, je notai que mon chien semblait moins empressé. Il répondait avec réticence aux sollicitations de la femelle, finit par se glisser sous le banc qui nous servait de siège, en gémissant.

   Elaine se leva alors, en fronçant les sourcils. Elle ouvrit la bouche, mais ne dit rien, se contentant de tirer sur la laisse de sa chienne et disparut, d'un pas rapide, sans que j'eus le temps de l'interroger sur son étrange comportement. La nuit fut terrible et, au petit matin, j'étais exténué. Je dus me porter pâle pendant trois jours. Une fois remis, je repris mes sorties, en pure perte.   

   Pendant un mois la jeune femme fut aux abonnés absents. J'eus beau arpenter les allées du Parc de long en large, sortant le chien plusieurs fois par jour, elle n'était nulle part. Comme disparue de mon univers, pour toujours.

   Un matin, alors que l'automne roussissait les feuilles des arbres, j'aperçus la silhouette d'Elaine, moins fringante qu'autrefois, eût-on dit, un sourire fragile dessiné sur des lèvres pâles. Une mèche balayait le haut de son visage. Elle tenait toujours sa chienne en laisse, mais cette dernière paraissait aussi lasse que sa maîtresse. Elle traînait la patte, poussait de sourdes plaintes qui n'étaient dues, me confia la jeune femme, qu'à son grand âge. Mon chien se détourna d'elle et s'affala à mes pieds, comme s'il l'imitait.

   "Je la pensais dans la force de l'âge", m'étonnai-je. Elaine se laissa tomber sur un banc, inspira longuement l'odeur fade de ce début d'automne et dit: "Le temps, pour nous deux, passe si vite, Alain... Tu n'en as pas encore conscience, mais tu t'en rendras bientôt compte... Crois-moi, on n'échappe pas aux mortelles étreintes des saisons.".

  Nous nous revîmes alors régulièrement, les mois succédaient aux mois, une fatigue insidieuse s'insinuant dans mes membres, fatigue toujours plus prégnante. Mais à quoi bon lutter, me disais-je, puisque c'est Elaine que j'aime. Lorsque le chien que je sortais expira, c'était en présence d'Elaine et de sa chienne qui, par un étrange retour du sort, avait recouvré une partie de sa vivacité. Sa maîtresse, elle-même, me parut plus jeune, moins lasse, plus vivante aussi...

   De mon côté, je ressentis plusieurs douloureuses pointes au côté droit. En raison du froid qui, avec lenteur, s'insinuait dans les allées du Parc... A moins que ce ne soit dû à l'éloignement que ma compagne me témoignait, à présent.

   Un autre mois sans la voir... Je pointais désormais au chômage... J'étais au bout du rouleau mais, curieusement, au niveau physique, cela allait bien mieux. Je la vis passer, dans le Parc, un après-midi, sa chienne pimpante tirant sur sa laisse. Elaine riait en se précipitant vers une silhouette d'homme entre deux âges, qui lui fit de grands gestes. Il portait une houppelande, de larges bottes et serrait dans sa main droite une canne que je sus être de genévrier...

   Lorsque, dans le même mouvement, ils pivotèrent dans ma direction, je sentis mes os se glacer et quand Merlin - qui d'autre que lui? - leva son bâton, je fermai les yeux, sachant qu'il allait me délivrer enfin de ce monde alternatif où je n'avais, au fond, aucune place, moi dont le prénom était, en vrai, Arthur... 

   Camelot m'attendait, quelque part, mais certainement pas ici, pas dans cette histoire à l'eau de rose où mes capacités guerrières ne pouvaient avoir cours. 

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(La femme papillon, amoureuse, se révélait enfin)


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(La Belle au Bois Dormant s'ennuyait ferme,
de sorte que des ferments de féminisme
naquirent dans son joli cerveau)


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(Dina Dvartok dans son impressionnante évocation 
de la danseuse soûle dans un troquet irlandais)


(En fait, Dina Dvartok était toujours ivre...)

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(Venue "Nue comme la Vérité" au Pôle Emploi,
cette chômeuse fut aussitôt éconduite)


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Jacques Damboise

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