Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

mercredi 26 décembre 2012

"Il édictait des phrases creuses pour qu'on y mette des idées dedans". Benoît Barvin in "Pensées pensées".

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Pensées pour nous-mêmes:

(LE SAGE RESPIRE

LE MÊME AIR QUE TOI)

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COURTS RÉCITS AU LONG COURS(61)
pcc Benoît Barvin

http://www.zazzle.fr/visage_heureux_de_retro_clown_vintage_de_kitsch_
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Clown

   Il se réveilla avec l'envie d'éternuer. Il porta la main à son nez et rencontra une étrange protubérance qui l'inquiéta aussitôt. Dans la salle de bain, il rencontra son visage, dans le miroir un peu sale, affublé d'une boule rouge. Il resta quelques secondes interdit, d'abord surpris et presque amusé. Ce nez de clown - ce ne pouvait rien être d'autre - lui donnait un air légèrement ahuri qui tranchait agréablement avec sa bouche sinistre, ses yeux sévères, sa coiffure en brosse. D'un coup, devant l'eau un rien fatigué de son miroir, il ressemblait à quelqu'un de sympathique.

   Ceci dit, pour un directeur financier de Grande Entreprise, arborer ainsi un nez de clown, ça ne faisait pas... heu... très sérieux. Aussi tenta-t-il de l'ôter, d'abord d'un geste naturel, puis qui devint agacé quand il se rendit compte que la matière, pourtant spongieuse du nez, résistait à ses tentatives. Il examina "l'objet" dans la glace. Il s'agissait d'une banale protubérance qui, lorsqu'on la touchait, était molle, mais qui adhérait parfaitement à son propre appendice.

   Il passa une bonne heure à tenter, par tous les moyens, de se débarrasser de cet objet incongru qui, maintenant, l'inquiétait. Rien n'y fit: pas plus le savon, que la paire de ciseaux, ou un couteau terriblement aiguisé. Il ne fit que s'entailler la peau, déclenchant une mini fuite vermeille qui était en accord avec la couleur du nez de clown. Il dut décommander des rendez-vous, prétextant une nuit difficile et beaucoup de fièvre. Le téléphone à son praticien lui permit de prendre une semaine de vacances. 

   Il avait délégué ses différentes fonctions à son second, une jeune aux dents longues, mais il n'avait qu'une idée en tête: se débarrasser de ce "truc", ce "machin" qui, cependant, ne l'empêchait ni de respirer, ni d'avoir d'étranges idées rigolotes. C'était comme si le nez lui insufflait une nouvelle idée de l'existence quotidienne. Il en voyait, d'un coup, tout le ridicule et il se surprit plusieurs fois à rire aux éclats.

   Le lendemain matin, hélas, après qu'il eût pensé que la nuit allait arranger cette situation ridicule, il dut se rendre à l'évidence: le phénomène s'amplifiait. Cette fois, en s'éveillant, et alors qu'il passait la main dans sa chevelure, il la sentit sacrément touffue. Le miroir de la salle de bain lui révéla qu'en plus du nez de clown, il avait à présent hérité des cheveux du susdit, agrémentés de plusieurs colorations qui, bien entendu, résistèrent au nombreux shampoings qu'il se fit, au cours de la journée.

   Une nuit de plus... Il eut du mal à fermer l'oeil, sombra au petit matin dans un sommeil de brute. En soulevant avec difficulté les paupières, vers les midi , la première chose qu'il aperçut ce fut la paire de "groles" très longues, démesurées, même, qui enserraient ses pieds. Une nouvelle journée fut nécessaire pour qu'il s'habituât à la démarche si particulière qu'ont les clowns, à la fois dandinement, claudication et petits sauts de côté. 

   La situation ne pouvait qu'empirer, il le savait. L'aspect comique avait laissé place à une profonde dépression - ce que l'on comprend aisément - et il passa cette journée à boire. Il eut une nuit agitée au cours de laquelle il se vit sur une piste cendrée, en train de débiter des phrases inaudibles qui, toutes, comportaient l'expression "Les petits n'enfants", lui qui avait en horreur les gamins.

   Tour à tour, les jours suivants, il reçut des mains d'un Dieu facétieux - ou sadique - les attributs d'un vrai clown de cirque, gants blancs immaculés et fleurs truquées à la boutonnière compris. Evidemment, son visage disparaissait sous des fards voyants et même sa diction s'était modifiée. Sa dépression se voilait maintenant de pensées suicidaires.

   Lorsqu'on sonna à la porte, le dimanche, le clown qu'il était devenu se dandina jusqu'à l'étrange visiteur qui se tenait debout, une arme à la main - un vieux tromblon qu'il pressentit, cependant, redoutable. L'homme avait une apparence sinistre. Il arborait un chapeau haut de forme, une barbe imposante, portait un costume noir anthracite et c'est d'une voix sépulcrale qu'il dit: "Je suis chasseur de clown triste. Mon détecteur m'a signalé la présence d'un de ces immondes individus dans le quartier".

   Aussitôt le clown actionna sa fleur qui fit gicler de l'eau sur le costume du "croque-mort" et c'est d'une voix de fausset qu'il déclama un discours absurde, tout en se tortillant sur place, discours qu'il termina en exécutant, à peu près bien, une cabriole.

   "Excusez-moi, dit le chasseur de clown triste, on m'a sûrement mal renseigné". Et il s'en alla d'un pas lourd, laissant son interlocuteur au bord de l’évanouissement  Un interlocuteur qui, maintenant, savait comment il allait devoir gagner sa vie...

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« La mer est aussi profonde dans le calme 
que dans la tempête. »
John Donne 
Extrait du Sermons 

     Juarez Machado Picnic On The Sea Painting
paintinghere.org 

"Heu... Pas trop profonde, j'espère?"

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« Le vrai bonheur est dans le calme 
de l’esprit et du coeur. »
 Charles Nodier 



"C'est pour moi que tu dis ça, Man?"

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« Le voeu fait dans la tempête 
est oublié dans le calme. »
Thomas Fuller 
Extrait du Gnomologia 

Corrado Mastantuono

"Papa, tu avais promis de ne pas le tuer!
- Mais pas de ne pas lui tirer dessus..."

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« C'est magnanimité que supporter avec calme 
le manque de tact. »
 Démocrite 
Extrait du Fragments
DOROMANIA

(L'Empire du Milieu distribuant ses cadeaux,
moyennant le droit de détruire la Planète)

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Benoît Barvin

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