Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

lundi 6 janvier 2014

"Le Père Michel, qui avait perdu son épouse, demandait qu'on ne la lui rapporte surtout pas". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet"

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Pensées pour nous-mêmes:

(LE SAGE EST UN FOU
QUI S'EST ASSAGI)

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"Mon mari et moi faisons quelques courses...
- Votre mari?
- Chuutt... C'est pour le politiquement correct..."


J.C Leyendecker


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"Je viens des siècles précédents pour te ficher une branlée.
- Ça tombe bien, j'ai la même intention"






Le XXIe siècle selon Saint-Augustin

Robert D. Kaplan
Traduit par Bérengère Viennot

   (...) La Pax Romana fut une période de paix et de stabilité relatives dans toute la zone méditerranéenne. Mais l’histoire est souvent prise de convulsions. En 200, l’Empire romain vivait encore dans l’ombre de l’empereur et philosophe païen Marc-Aurèle, mort depuis peu –dans une époque où, selon l’historien de Princeton Peter Brown, «un petit cercle de conservateurs acharnés» imposait l’ordre dans le monde. Au cours des cinq siècles qui suivirent, tout changea.

   En 700, l’Empire romain s’était volatilisé de la carte de l’Occident, l’Empire perse sassanide avait disparu du Proche-Orient, l’Europe était devenue chrétienne tandis que le Proche-Orient et la majeure partie de l’Afrique du Nord s’étaient convertis à l’islam. Dans l’intervalle, hérétiques chrétiens et membres de sectes –donatistes, moines incitant à la révolte, etc– pauvres, illettrés et extrémistes s’étaient dispersés tout autour du bassin méditerranéen, semant la terreur et brûlant synagogues et temples païens, avant d’être eux-mêmes dépassés en Afrique du Nord par des armées arabes prônant une religion nouvelle, plus austère. Pendant ce temps, les Goths ravageaient l’Europe et l’Asie Mineure était au bord d’un conflit entre chrétiens vénérant icônes et autres images sacrées et ceux qui glorifiaient leur destruction. Peter Brown, au fil du travail érudit de toute une vie, donna un nom à cette époque piquante au cours de laquelle le monde connut un bouleversement total: l’Antiquité tardive. (...)

   (...) L’Antiquité tardive ne nous semble spectaculaire que parce que nous connaissons son début et sa fin. Mais au cours de n’importe quelle journée de ce demi-millénaire, le monde méditerranéen n’aurait sans doute pas paru impressionnant du tout, et peu auraient su dire quelle direction prenaient les événements.

   Bien sûr, l’horloge de l’histoire avance bien plus rapidement aujourd’hui, et des milliers de mots –rien que dans ces pages– ont été écrits sur le Printemps arabe, l’intensification de la puissance militaire de la Chine, le tumulte dans l’Union européenne, la nucléarisation de l’Iran et le délabrement de l’hégémonie américaine post-Guerre froide. Mais pouvons-nous pour autant mieux discerner que les hommes de l’Antiquité tardive la direction que prennent les événements? (...)

   L’érosion du rôle de puissance organisatrice de l’Amérique, qui jusqu’ici s’appuyait sur l’assentiment public et l’incapacité de tous les autres d’ébranler le statu quo, a désorienté les élites de Washington et de New York dont le bien-être professionnel est intimement lié à l’implication proactive de l’Amérique à l’étranger. Et peu de situations mieux que celle de la Syrie n’évoquent aussi bien le sentiment de splendide isolement qui gagne de nouveau les citoyens américains ou n’expliquent plus complètement l’affaiblissement des Etats-Unis.

   La Syrie c’est le Levant, le cœur géographique de l’Antiquité tardive. Et sa désintégration, tout comme l’écroulement de la Libye, du Yémen et de l’Irak, ainsi que les troubles chroniques en Tunisie et en Egypte, n’est pas synonyme de liberté nouvelle mais d’effondrement de l’autorité centrale. Rome n’a pas pu sauver l’Afrique du Nord, et les Etats-Unis ne sauveront pas le Proche-Orient –car comme le montrent les sondages, l’Amérique en a plus qu’assez des imbroglios militaires à l’étranger. C’est l’anarchie, peut-être suivie de nouvelles formes d’hégémonie, qui en résultera.

   Si une vie et une seule incarne ce que fut l’Antiquité tardive, c’est bien celle de saint Augustin, Berbère né en 354 à Thagaste, aujourd’hui Souk Ahras en Algérie, près de la frontière tunisienne. En passant de la philosophie païenne au manichéisme pour finalement embrasser le christianisme, qu’il soumit à la logique de Platon et de Cicéron, saint Augustin était à cheval sur la Rome classique et le Moyen-Age. Son poème préféré était l’Enéide de Virgile, qui célèbre la fondation de la civilisation universelle de Rome. Il voua aux gémonies les donatistes radicaux (des Berbères schismatiques), dont l’hérésie menaçait de saper la stabilité du Maghreb, tout en constatant les bénéfices de liens traditionnels comme ceux du tribalisme. Il mourut à 76 ans, en 430, au milieu de l’attaque par les Vandales de Genséric de l’Afrique proconsulaire, première colonie romaine d’Afrique.

   Sa grande œuvre, La cité de dieu, écrit l’érudit Garry Wills, cherche à consoler les chrétiens désorientés de la perte par Rome du statut de principe organisateur du monde connu. Rome, écrit saint Augustin, n’aurait jamais pu satisfaire les cœurs des hommes: seule la Cité de Dieu en était capable. Par conséquent, à mesure que Rome s’affaiblissait, la religiosité prenait de l’ampleur.

   Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère susceptible de s’avérer tout aussi chaotique et qui pourrait nous tomber dessus bien plus vite étant donné la manière dont les révolutions électroniques et des communications, associées à une explosion démographique, ont comprimé l’histoire.

   Songez qu’en 1989, à la fin de la Guerre froide, les Etats-Unis étaient le colosse militaire et économique unipolaire, la démocratie libérale et triomphaliste décrite par le philosophe politique Francis Fukuyama dans son article «La fin de l’histoire?» Depuis, l’Union européenne s’est étendue à l’Europe centrale et de l’Est, promettant de mettre un terme aux furies du passé de ce continent. Bien sûr, le Moyen-Orient, de l’océan Atlantique au sous-continent indien, est resté plongé dans l’ignorance et l’intolérance jusqu’aux premières années du XXIe siècle. Mais au moins il était tranquille, en tout cas selon ses propres lamentables critères.

   Et puis le monde s’est effondré. Un attentat commis sur le sol américain par des extrémistes musulmans a débouché sur deux grandes invasions terrestres par les Etats-Unis au Moyen-Orient, ce qui a contribué à mettre la région en mouvement. Des autocraties décadentes se sont écroulées et des monarchies conservatrices se sont vu forcées de faire des concessions sans précédent, tandis que le programme de libération du président George W. Bush n’avait pas les résultats escomptés. L’Afrique du Nord s’est depuis décomposée en un monde flou formé de gangs, de milices, de tribus, de terroristes transnationaux, de forces expéditionnaires antiterroristes et de régimes faibles frappés d’immobilisme. Le Levant voisin a explosé dans une guerre rampante et de longue durée, ne laissant que deux entités légales fortes entre le bord le plus oriental de la Méditerranée et le plateau d’Asie centrale: un Etat juif et un Etat persan (d’où l’importance d’un rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis).

   Pendant ce temps, l’Union européenne commençait à sérieusement chanceler. Une crise de la dette, une croissance négative et des niveaux indécents de chômage se sont installés pendant des années et l’Etat-providence –cette réussite morale des politiciens européens d’après-guerre– est en passe de devenir, dans une large mesure, inabordable.

   La conséquence est que l’Union européenne elle-même, si dominante au cours des deux premières décennies qui ont suivi la chute du mur de Berlin, a perdu une partie de sa force géopolitique en Europe centrale et de l’Est, juste au moment où la Russie revenait sur le devant de la scène, autoritaire et puissante, grâce aux revenus des hydrocarbures. La carte de l’Europe est en train de perdre sa couleur homogène pour revenir à des nuances divergentes, où les identités nationales –qu’on croyait en repli– sont en pleine résurgence.
Le retour des tribus

   Quant à la Chine –ce monstre démographique et géographique devenu le moteur du commerce mondial– après une trentaine d’années de croissance sans précédent, elle voit son économie finalement ralentir. Si l’économie et l’armée chinoises continuent de croître de façon massive en valeur absolue, l’avenir de l’Empire du Milieu est moins certain qu’il ne l’était il y a dix ans. Avec des minorités ethniques et la majorité Han assoiffées de libertés alors que les opportunités se raréfient, il est bien possible que le destin de la Chine ne vive un jour une variation sur le thème de l’Union soviétique.

   L’autorité, autrefois si sûre et si commodément répartie sur la planète, semble en voie de désintégration tandis que les sectes et les hérésies –salafistes, cybercriminels, etc– entrent par la petite porte. Les Etats-Unis s’imposent encore en souverains tant économiquement que militairement, bénéficiant d’immenses réserves de ressources naturelles. Cependant, la puissance américaine se voit de plus en plus barrer la route par ces forces nouvelles et imprévisibles. La force pure –chars et avions de chasse, bombes atomiques et porte-avions– prend de plus en plus des airs de produits d’une époque industrielle qui n’en finit pas de s’éloigner. Et pourtant la version post-moderne de l’Antiquité tardive vient juste de commencer. (...) 


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"Je suis le nouveau sage de la Nouvelle Ere..."




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Benoît Barvin

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