Bonjour à vous qui, dans le maelström du net, êtes arrivés, par hasard? lassitude? erreur? sur ce blog. Vous êtes les bienvenus. Vous y lirez des extraits d'articles, de pensées, d'interviews, piochés ça et là, et illustrés de photos et dessins détournés, via un humour de bon aloi. Vous pouvez évidemment réagir avec le même humour, la même ironie que nous mettons, chaque jour, à tenter de respirer un peu plus librement dans une société qui se corsète chaque fois un peu plus.

vendredi 1 août 2014

"Le chant des partisans de la Paix était joué en sourdine pour ne pas exciter leurs adversaires". Jacques Damboise in "Pensées à contre-pet"

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Pensées pour nous-mêmes:

(L'ARME QUE TU POINTES
EST-ELLE UNE PART DE TON ÂME?)

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"Ces morts, quelle horreur!

- Quels morts?"



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"Qu'est-ce que vous faites, les enfants?

- On regarde un missile droit dans les yeux...
Pour le faire dévier de sa course"

Peut-on qualifier Israël 
d’Etat voyou ?

   (...) Ce lundi matin (28.07.2014), dans la dernière partie de la matinale de France Inter, l’ancien ministre de l’Economie Pierre Moscovici a été interpellé par François, un auditeur breton : « Quand les politiques français ou européens auront compris qu’Israël a des comportements d’Etat voyou, peut-être cela évitera-t-il que les voyous se manifestent en France. »

   Moscovici a répondu : « Parler d’Etat voyou, ça n’a pas de sens.[...] Israël, Etat voyou, non ; Israël est un état démocratique qui doit aussi assurer la sécurité de ses citoyens, donc je ne parle pas comme ça. »


   L’appellation « Etat voyou » (« rogue state » en version originale) est fréquemment employée par les détracteurs de la politique d’Israël, y compris des hommes politiques comme le vétéran des députés du Labour britanniqueGerald Kaufman. Ce faisant, les opposants à Israël détournent une expression inventée et utilisée quasi-exclusivement par les premiers alliés de Tel-Aviv, les Etats-Unis.

   L’expression n’a en effet pas de sens en droit international et ne doit sa popularité qu’à son utilisation, à des fins de propagande, par les administrations de Bill Clinton puis George W. Bush. Dans un sens comme dans l’autre, l’idée demeure de diviser le monde entre Etats respectables ou non, ce qui ne correspond pas tout à fait aux idéaux pacifiques dont se prévalent l’un et l’autre camp.

   1/ Israël n’est pas un Etat voyou au sens de Washington, qui a popularisé l’expression

   Alors que l’expression « rogue state » convenait plutôt, jusqu’à la fin de la guerre froide, aux Etats mis au ban de la communauté internationale [PDF], (« rogue » signifiant solitaire ou sauvage), la notion contemporaine vient d’un conseiller à la Sécurité nationale de l’administration Clinton, en 1994, Anthony Lake.

   A l’époque, Lake désigne ainsi cinq Etats : la Corée du Nord, Cuba, l’Iran, l’Irak et la Libye. Voici les caractéristiques qu’il leur attribue à l’époque dans la revue Foreign Affairs, selon le professeur de relations internationales Tanguy Struye de Swielande :

   - totalitaires, dirigés par des clans qui se maintiennent au pouvoir par la répression ;

   - pas ou peu de respect pour les droits de l’homme ;

   - promeuvent des idéologies radicales ;

   - manifestent une antipathie à l’égard de l’Occident ;

   - soutiennent le terrorisme. (...)

   (...) Au sens américain, Israël n’entre donc pas dans la catégorie des Etats voyous, ne réunissant pas tous ces attributs. Tanguy Struye de Swieland poursuit, dans son livre « La Politique étrangère après la guerre froide et les défis asymétriques » : « [Ce concept] a un ensemble de raisons d’être, spécifique à la politique intérieure et extérieure américaine. Ces raisons sont les suivantes:

   Primo, la qualification de “rogue state” permet de disqualifier les Etats hostiles à la politique américaine ou qui ne respectent pas les grandes règles du jeu des relations internationales.

   Secundo, cette approche permet également de satisfaire le besoin de se définir par opposition et d’assurer une position de leadership dans le combat contre un ennemi censé commun.

   Tertio, il existe un certain nombre de forces politiques domestiques qui poussent les Etats-Unis dans la direction d’une politique sévère à l’encontre des Etats voyous. Le puissant lobby juif Aipac (American Israel Public Affairs Committee) est la première de ces forces internes. »

   La Serbie-Monténégro de Milosevic, le Soudan et l’Afghanistan furent aussi sur la liste pendant quelques années. La Syrie et le Pakistan, qui semblaient remplir ces critères, n’étaient pas qualifiés d’Etats voyous en raison du rôle que pouvait jouer Damas dans le conflit israélo-palestinien et de la proximité historique entre Islamabad et Washington. L’expression était donc suffisamment floue pour s’adapter aux intérêts de la politique étrangère américaine, et aux attitudes changeantes des Etats vis-à-vis de Washington.

   En 2000, l’expression « rogue state » est officiellement transformée en « State of concern » (Etats préoccupants) mais elle sera à nouveau employée sous l’administration Bush.

   2 /Israël ne respecte pas le droit international et peut donc être qualifié d’Etat voyou

   Cette notion est cependant critiquée. Le philosophe Jacques Derrida, dans un livre (« Voyous ») publié en 2003, estimait que l’Etat était voyou par définition puisque « dès qu’il y a souveraineté, il y a abus de pouvoir et “rogue state” » : « Il n’y a donc que des Etats voyous. En puissance ou en acte. L’Etat est voyou. Il y a toujours plus d’Etats voyous qu’on ne pense. »

   Mais il pointait du doigt précisément les Etats-Unis et leurs alliés comme « les premiers “rogue states” », puisqu’ils « prennent l’initiative de la guerre, des opérations de police ou de maintien de la paix parce qu’ils en ont la force».

   De même, le penseur Noam Chomsky définit les Etats-Unis et Israël comme les premiers Etats voyous. Dans un article de décembre 2013 : « Il y a en fait deux Etats voyous au Moyen-Orient, ils recourent à l’agression et à la terreur et ils violent à l’envi le droit international : les Etats-Unis et leur Etat client, Israël.»

   En 2001, Chomsky, à l’occasion d’une interview dans laquelle il s’attachait à démontrer que les Etats-Unis étaient le premier des Etats voyous, donnait sa propre définition :


   « Un “Etat voyou” est un Etat qui va à l’encontre du droit et des conventions internationales, ne se considère pas comme lié par les traités et conventions majeurs, les décisions des tribunaux internationaux – en réalité, lié par rien si ce n’est les intérêts de ses dirigeants et des forces qui les entourent et décident de la politique. Voilà ce qui serait un cas extrême d’“Etat voyou” mais il y a bien sûr différents degrés. » (...)

   (...) Nous avons demandé à Jean-Marc Thouvenin, avocat et directeur du Cedin (Centre de droit international) de l’université de Nanterre, si Israël pouvait être décrit comme un Etat voyou. Il répond, par e-mail, que cela n’a pas de sens en droit international mais que la question peut être posée de savoir si Israël est respectueux du droit international. Et la réponse à cette question lui « paraît négative ». Il cite entre autres :

   « l’avis consultatif de la Cour internationale de justice qui avait considéré que la construction d’un mur en territoire palestinien occupé était contraire au droit international », dont Israël n’a pas tenu compte ;
   « les résolutions du Conseil de sécurité en matière de frontières et la pratique de la “colonisation” de manière clairement contraire aux principes les plus établis du droit international », dont Israël n’a pas tenu compte non plus.

   Concernant l’opération « Bordure protectrice », il estime difficile de juger aujourd’hui si Israël viole le droit international humanitaire mais rappelle que lrapport Goldstone (juge de la cour suprême sud-africaine mandaté par les Nations unies) avait pointé les violations du droit humanitaire à Gaza durant l’opération « Plomb dur ». Goldstone s’était pas la suite rétracté.

   Un autre professeur de relations internationales, l’Israélien Avi Shlaïm (université d’Oxford) –- ayant fait son service militaire en Israël dans les années 1960 et favorable aux frontières de 1967 –, apportait en 2008 une réponse catégorique à la question, dans une tribune au Guardian :

   « Après ce bref résumé des attitudes d’Israël ces quatre dernières décennies, difficile de résister à la conclusion qu’il est devenu un Etat voyou avec à sa tête “un groupe dirigeant absolument sans scrupules”. Un Etat voyou viole le droit international, possède des armes de destruction massive et pratique le terrorisme – la violence contre les civils à des fins politiques. Israël remplit ces trois critères ; le chapeau lui va bien, il doit le porter. »


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(En vieillissant, soudain, je trouvai

que le temps passait nettement plus vite)



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Benoît Barvin

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